2. Psychologie et go

Psychologie et go #

Psychologie et go

On entend souvent : “Je n’ai pas besoin de ça” quand on aborde la psychologie. C’est néanmoins une lourde erreur de ne pas y faire appel, d’autant plus dans le jeu de go où le mental est au centre de tout.

La psychologie au service de l’apprentissage #

Le go est un jeu magnifique, mais difficile, dans lequel on s’investit souvent beaucoup. Malgré cela, le chemin est semé de défaites. En effet, peu importe votre expérience et vos efforts, tant que vous jouerez contre des joueurs de votre niveau, vous aurez à peu près autant de défaites que de victoires ! Et le jeu de go n’est pas un jeu que l’on peut battre, comme un jeu vidéo que l’on fini avec tous les succès. Même si vous êtes parmi les joueurs les plus forts au monde, il y aura toujours quelqu’un pour essayer de vous battre et il faudra continuer de vous entraîner pour progresser.

Le chemin de l’apprentissage du go peut donc être difficile, et certains enseignements de la psychologie peuvent aider à faciliter le voyage.

État d’esprit de croissance contre fixe #

L’état d’esprit fixe se rencontre chez les personnes qui ont une croyance selon laquelle les capacités sont des traits immuables. Les capacités sont “fixées” et n’évoluent pas ou peu avec l’apprentissage. Avec cette façon de voir les choses, un échec devient un jugement terrible sur soi-même, et perdre une partie peut être très difficile émotionnellement.

L’état d’esprit de croissance repose sur la conviction que les capacités peuvent être développées grâce à l’effort, la persévérance, et de bonnes stratégies d’apprentissage. Avec cette façon de voir les choses, un échec est une opportunité d’apprendre et de progresser. Un retour constructif sur sa manière de jouer est accueilli comme un moyen de s’améliorer plutôt que comme une critique.

Qu’est-ce que l’intelligence ?

Il existe de nombreuses définitions de l’intelligence. Celle qui nous intéresse dans ce guide est du domaine de l’apprentissage. Telle qu’elle a été définie par Jean Piaget, l’intelligence est la capacité à s’adapter. Et cette flexibilité, cette capacité d’ajustement aux nouvelles informations et expériences, n’est pas fixe, il est possible de l’améliorer.

Ainsi, même si tout le monde n’a pas nécessairement des capacités égales à la naissance (notamment en vitesse de traitement, et en capacités d’observation), pour devenir meilleur au go, le plus important est d’être capable d’assimiler de nouvelles informations et d’ajuster son comportement en conséquence. Tentez donc autant que possible d’être dans un état d’esprit de croissance, où toutes les informations qui vous parviennent, négatives comme positives, peuvent être utilisées pour progresser, plutôt que pour vous juger.

L’estime de soi #

L’estime de soi peut être perçue à travers deux concepts :

  • L’estime de soi trait : c’est la tendance stable et durable dans le temps à s’évaluer. C’est la façon dont on se définit sur le long terme.
  • L’estime de soi état : reflète les fluctuations de l’estime à un moment donné. Elle est plus variable et sensible à ce qui se passe “sur le moment”.

Quand on perd une partie, ou que l’on n’arrive pas à résoudre un problème, c’est l’estime de soi état qui devrait varier. En effet, c’est normal d’être un peu déçu ou triste après avoir perdu une partie. Néanmoins, cela ne doit pas remettre en cause toute votre perception de vous-même. C’est pourtant souvent le cas, les variations de l’estime de soi état se confondent avec l’estime de soi trait. Une petite phrase que les joueurs peuvent fréquemment se dire est “Je suis nul”, et c’est le genre de jugement beaucoup trop sévère (et complètement contre-productif) que l’on peut avoir quand cette confusion arrive. Si la déception est trop forte, une phrase plus juste pourrait être “je me sens nul” : vous acceptez votre émotion, mais sans jugement, car il ne s’agit que de comment vous vous sentez à cet instant précis, et pas quelque chose de permanent.

Une fois l’intensité de l’émotion un peu calmée, vous pouvez aussi vous dire ce genre de choses :

  • C’est normal que je perde 50% de mes parties
  • Je ne suis pas une IA, c’est normal que je fasse des erreurs, tout le monde en fait
  • Mon adversaire a bien joué, bravo à lui ou elle

Rencontrer des difficultés fait partie du jeu, ne vous jugez pas sévèrement, cela ne vous aidera pas à progresser.

L’auto-handicap #

Une faible estime de soi peut aussi mener à moins s’entraîner pour avoir une excuse pour ses défaites. En effet, si une personne n’a pas fourni beaucoup d’efforts, une défaite remet moins en cause ses capacités. Et donc certains s’entraînent moins, plus ou moins consciemment, pour ne pas avoir à se remettre en cause. Cela ne fonctionne évidemment pas : pour progresser, il faut s’entraîner. Une personne avec une bonne estime de soi fera ce qu’elle juge nécessaire pour réussir et se mettre en valeur.

Avoir une bonne estime de soi, et donc croire en ses capacités, est une base importante pour progresser efficacement au go.

Les émotions pendant le jeu #

Durant une partie, et plus particulièrement les parties importantes, vous pouvez ressentir des émotions fortes. Celles-ci peuvent perturber votre jeu, en vous faisant prendre des décisions moins rationnelles.

Émotion Impact
Peur Jouer des coups timides, ne pas oser combattre ou ne prendre aucun risque
Colère Jouer impulsivement, prendre des risques inconsidérés
Joie Avoir un mauvais jugement sur la position, se penser plus en avantage qu’en réalité
Tristesse Perdre sa combativité, être défaitiste

Différentes émotions et leur impact sur le jeu.

Vous ne pouvez pas contrôler vos émotions. Néanmoins, vous pouvez faire en sorte qu’elles ne contrôlent pas trop votre jeu. La première étape est de ne surtout pas les ignorer. Quand vous sentez, physiquement, qu’une émotion émerge, notez le mentalement : il faut que ce soit très clair pour vous que vous ressentez de la peur, de la colère, ou autre. Dans un monde idéal, on pourrait prendre le temps de comprendre le pourquoi et le comment de cette émotion, l’analyser pour qu’elle ait le moins d’impact possible. Mais en partie, nous allons souvent être pressé par le temps. Pas question de mettre l’horloge en pause pour prendre le temps de gérer sa colère !

Ainsi, en jeu, une stratégie assez simple est de garder dans un coin de sa conscience les symptômes physiques de l’émotion. En ayant en tête la présence de l’émotion, vous pourrez réduire son impact sur votre jeu.

Plus tard, si vous analysez la partie, il peut être bénéfique de revenir sur cette émotion et de mieux comprendre pourquoi vous l’avez ressentie.

Quand une émotion émerge, soyez conscient de sa présence le temps qu’elle dure.

Maintenir la motivation à long terme #

En général, on s’entraîne au go pendant des années, ou des décennies. Il est normal d’avoir des moments de pause : le cerveau peut simplement avoir besoin d’un peu de repos pour intégrer certaines informations. Ça ne sera que pour repartir de plus belle !

En revanche, il peut aussi être possible d’arrêter par démotivation, ou par impression que l’on ne progresse plus. Le chapitre 8 vous propose une méthode pour ne pas tomber dans cet écueil en vous construisant un plan d’apprentissage motivant.